Hôtel dit des Juste

Localisation :

Tours ; 17 rue Paul-Louis Courrier (ancienne rue des Carmes)

Dates :

v.1515-1520

État du batiment :

Conservé

Hôtel dit des Juste.
Crédits : Photo © Léa Dupuis

Au 17 rue Paul-Louis Courier (ancienne rue des Carmes), se trouve la maison qui aurait été celle des Juste, famille de sculpteurs italiens arrivés à Tours vers 1505 après un passage à Gaillon sur le chantier du château du cardinal Georges Ier d’Amboise (1460-1510). Cette attribution reste contestable dans le mesure où l’on sait que Jean Juste possédait un atelier rue Ragueneau (n°7) et, qu’en 1522, il acheta une maison à l’angle des rues de la Scellerie et du Cygne (maison dite de la Ville-de-Venise) [Renumar, 22 janvier 1522]. La résidence d’Antoine Juste, frère de Jean Ier, maître sculpteur du roi, était située rue de la Guerche [Renumar, 17 février 1522]. Celle de Juste de Juste, le fils de ce dernier, mentionné aussi comme maître imagier du roi et né à Tours, n’est pas connue.

Quel que soit le lien avec la famille de sculpteurs italiens, cette maison présente des caractéristiques décoratives de la première renaissance française, notamment la frise sculptée de la façade et les encadrements de fenêtres sur la rue et de la cour intérieure. La Travée de droite s’ouvre sur une porte possédant encore un Vantail du XVIe siècle. La tradition attribue aux Juste la frise parsemée de rinceaux qui surmonté la porte. Les rinceaux présentent un feuillage grêle, des tiges filiformes et des fleurs bourgeonnantes, selon un tracé qui n’en finit pas de s’enrouler sur lui-même, typiques des rinceaux de la première Renaissance française [Thomas, 1994, p. 177]. Cette porte donne accès à un escalier dans-œuvre en façade sur rue desservant des étages composés de deux pièces [Bonnin, 1979, p. 214]. La travée de gauche s’ouvre également sur une porte, mais très remaniée. Les deux croisées conservent quant à elles un décor renaissant, bien que celle du deuxième niveau fût agrandie pour former une porte-fenêtre donnant sur balcon du XVIIIe siècle.

Les quatre fenêtres sont accostées de pilastres décorés de disques et de losanges qui soutiennent des chapiteaux composites. Après 1515-1516, la sobriété s’impose sur les pilastres, le décor se concentre sur le chapiteau. La console en agrafe, utilisée jusqu’ici uniquement à la clef des arcs, comme en Italie, apparaît désormais au-dessus des portes et fenêtres, au centre d’une plate-bande et se diffuse rapidement autour de 1515, comme à l’hôtel de Beaune construit en 1518 par exemple [Toulier, 1980, p. 106]. Ici, cet ornement architectural est aligné sur le Meneau des croisées, ce qui souligne l’importance des baies autour desquelles s’organise l’ordonnance de la façade à la française [Guillaume, 1994, p.154]. La structure du chapiteau est composite, fondée sur une claire opposition de la corbeille et du tailloir séparé l’un de l’autre par une échine en quart-de-rond. Notons que le tailloir est épais et les têtes d’ange en fleur de tailloir s’élargissent. Ce type se diffuse très rapidement entre 1515 et 1520 à Blois, Azay-le-Rideau, à l’hôtel de Beaune… [Guillaume, 1994, p. 156]. La corniche de la Croisée du deuxième niveau sert de support à deux motifs en forme de S affrontés qui évoquent un fronton cintré. Ce motif est très similaire à celui de la porte de l’aile nord du cloître de la Psalette achevée entre 1513 et 1526 [Noblet et Rapin, 2002, p. 95].

Les appuis filants des baies, qui présentent une mouluration liant un gros tore à une doucine, marquent le changement entre les trois premiers niveaux. Les moulures forment un retour car les fenêtres de la travées de droite, plus basses, suivent le niveau des baies de la vis. Ce type d’ordonnancement de façade, dit à la française, s’impose jusque vers 1535-1540 et se retrouve par exemple à Azay-le-Rideau construit vers 1518 (doucine en haut et fasce en bas) [Guillaume, 1994, p. 147].  

À l’instar d’Azay-le-Rideau, du cloître de la Psalette ou de l’hôtel de Beaune, les rinceaux de la première Renaissance française, le décor des chapiteaux et le quadrillage des pilastres et des appuis filants permettent de situer la date de construction de l’hôtel dit des Juste entre 1515 et le début des années 1520. 

 

Bibliographie

Base POP, IA00071330
Bonnin Martine, Les maisons à Tours au XVème et au XVIème siècles, mémoire de maîtrise d’Histoire de l’Art, sous la direction de Jean Guillaume, CESR-Université de Tours, [1979]. 
Guillaume Jean, « Le temps des expériences. La réception des formes « à l’antique » dans les premières années de ma Renaissance française », dans Guillaume Jean (ed.), L’invention de la Renaissance. La réception des formes «à l’antique» au début de la Renaissance. Actes du colloque tenu à Tours du 1er au 4 juin 1994, Paris, Picard, (Collection De Architectura), p. 143-176.
Noblet Julien, Rapin Thomas, « Le Cloître de la Psalette. Rappel chronologique (XVe, XVIe et XIXe siècles) », dans Bulletin de la Société archéologique de Touraine, T. 48, 2002, p. 89-104.
Thomas Évelyne, « L’originalité du rinceaux français », dans Guillaume Jean (ed.), L’invention de la Renaissance. La réception des formes « à l’antique » au début de la Renaissance, Actes du colloque tenu à Tours du 1er au 4 juin 1994, Paris, Picard, (Collection De Architectura), p. 177-186.
Toulier Bernard, « Les hôtels », dans Toulier Bernard (commissaire), L’architecture civile à Tours des origines à la Renaissance, Mémoire de la Société archéologique de Touraine, T. 10, 1980, p. 81-94.


Lien vers la fiche associée :

Hôtel dit des Juste